La double vie de Benzema
Octobre. 2015 \\ Par Jérôme Lamy

BRILLANT AVEC LE REAL DE MADRID, KARIM BENZEMA BRILLE PARFOIS PAR SON ABSENCE D'EFFICACITE SOUS LE MAILLOT DES BLEUS. SI CETTE INCONGRUITE NOURRIT LA POLEMIQUE, L'ANCIEN LYONNAIS PORTERA LE POIDS DU DESTIN DE L'ÉQUIPE DE FRANCE, CET ETE, LORS DU CHAMPIONNAT D'EUROPE.

On commence par une devinette ! Quel est le point commun entre Karim Benzema et Alexandre Lacazette, Anthony Martial, Nabil Fekir, Hatem Ben Arfa, Sidney Govou, Loïc Rémy, Florian Maurice, Ludovic Giuly, Cédric Bardon, Frédéric Kanouté, Joseph-Désiré Job, Bryan Bergougnoux, Alassane Pléa, Yassine Benzia, ou encore Aldo Kalulu, le petit dernier?

Tous ces attaquants de premier plan ont été formés à Lyon. Cela fait maintenant plus de vingt ans que le centre de formation de l’Olympique Lyonnais produit des joueurs de pointe de niveau international. Bien sûr, on n’a pas demandé à tous de porter le poids de l’attaque de l’Équipe de France et encore moins d’accompagner le destin du Réal de Madrid. D’ailleurs, cette double attente empoisonne le début de saison de Benzema.

Souvent brillant avec le Réal où il est meilleur buteur de la Liga et fut l’auteur de 22 buts et 10 passes décisives en 46 rencontres la saison dernière, il brille parfois par son absence d’efficacité sous le maillot des Bleus. En 194 matches sous la tunique madrilène, Benzema a marqué 93 buts, soit une moyenne de 0,48 but par match. En 81 matches sous le maillot tricolore, Benzema a fait trembler 27 fois les filets, soit une moyenne de 0,34 but par match. Les statistiques ne disent pas tout mais elles disent beaucoup.

Les chiffres de rendement sont également d’une vérité confondante. Plus performant, en Liga, Benzema tire, pour autant, moins au but et touche moins de ballons sous le maillot du Réal que sous celui des Bleus: 2,6 tirs au but par match avec le Real contre 3,2 avec l’Équipe de France et 33 ballons touchés en Espagne contre 37 au niveau international. Électron libre en Espagne, où il tourne souvent autour de Cristiano Ronaldo, il est davantage confiné dans un rôle de neuf de pointe avec Didier Deschamps qui classe Benzema au rang «des attaquants de classe mondiale».

Pas seulement parce qu’il a marqué deux buts dernièrement, en match amical, devant l’Arménie, à Nice (4-0). Capable de faire basculer une rencontre sur une fulgurance ou une accélération, Karim Benzema, a quoi qu’il en soit, une marge assez nette sur Alexandre Lacazette, encore sous le choc d’une intersaison sous haute tension et Olivier Giroud, dans le brouillard, à Arsenal.

Reste que le doublé de ce dernier en amical, à Copenhague, devant le Danemark (1-2) pourrait relancer la polémique. «Les critiques, c’est normal», a précisé l’ancien Lyonnais. «On attend beaucoup de moi. Je le sais. Mais je donne tout.» Le septième meilleur buteur de l’histoire des Bleus est disposé à ouvrir le débat de son efficacité, pas de son attitude. «Ce qui me dérange, c’est quand j’entends que je n’ai pas envie de jouer en équipe de France» a-t-il dit. «Je suis un grand garçon. Si je n’avais pas envie de venir en équipe de France, j’irais voir le coach et je lui demanderais de ne plus me sélectionner. Si je viens en équipe de France, à chaque fois, c’est pour donner le maximum, aider les plus jeunes et bien sûr faire la différence.»

Il devra en faire beaucoup pour que le Réal s’offre la Liga et la Ligue des Champions autant pour que l’Équipe de France marche sur le toit de l’Europe à domicile. C’est un peu le destin des grands. Au fond, il est difficile de mesurer la trace que laissera un joueur à travers le temps. Les grands attaquants marquent dans les grands matches. C’est ainsi qu’on les juge. Avec un but ou une ligne de palmarès en plus. Avec un Ballon d’Or ou pas.