Christophe Lekieffre: "Ne signons pas un chèque en blanc à la gauche"
Mars. 2008 \\ Par Jérôme Lamy

Battu mais pas abattu, Christophe Lekieffre (UMP) est reparti en campagne pour aller à la pêche aux abstentionnistes, qui ont plombé son score. Aujourd’hui, il ne rêve plus de reprendre le 2e à la gauche mais de sauver les meubles en empêchant la liste Boutault de faire 66% des voix. Auquel cas l'opposition n’aurait plus de conseillers de Paris dans le 2e arrondissement...

Vous réalisez un score assez faible de 22,9% des voix au premier tour? Peut-on parler d’échec?
Je ne vais pas vous dire que suis content, c’est une évidence. C’est une petite déception. Mais je pense que ma déception est moins forte que celle de Sylvie Wievorka. Les socialistes ont donné la mairie aux Verts en 2001 et ils ne sont pas prêts de la reprendre. En juin 2007, Pierre Schapira m’avait dit que Jacques Boutault ne ferait même pas 5%. La semaine dernière, il m’a dit qu’il était impossible qu’il franchisse la barre des 10% et que le modem serait certainement devant les verts. Résultat, Jacques Boutault atteint presque à 30% et il était en tête avant le décompte du dernier bureau de vote.?Je dirais donc aux socialistes qu’il est dangereux de mettre des verts dans la pomme.

Comment expliquez-vous votre performance?
Il suffit de savoir compter pour trouver une explication. Par rapport à l’élection présidentielle, 5039 électeurs de droite ne se sont pas déplacés. C’est impossible qu’en sept mois autant de gens aient changé à ce point de conviction, même si on observe une petite défiance sur la méthode Sarkozy, mais pas sur ses réformes. L’élection a eu lieu en pleine période de vacances scolaires... On possède donc une réserve de voix assez considérable. Il faut aussi préciser que la gauche se présentait divisée entre la candidate de mai 1968 Sylvie Wievorka et le vert Jacques Boutault. Les électeurs de gauche se sont donc mobilisés pour participer à cette véritable primaire. J’ai eu la force et la faiblesse de présenter une liste d’union. J’espère donc que les électeurs de droite se déplaceront dimanche pour m’apporter leurs voix.

La victoire est-elle encore envisageable?
Il ne faut pas se mentir: Jacques Boutault sera élu maire dimanche. Et je pense même qu’il est en place pour plusieurs mandats. Pour nous, l’enjeu est très simple. Il y a un risque important que la gauche remporte les trois postes de conseillers de Paris dans le 2e arrondissement. Pour cela, il faut que la liste Boutault fasse un score de 66%. Si les électeurs de droite ne se déplacent pas, c’est envisageable. On ne peut pas pas laisser les verts et les socialistes gérer l’arrondissement sans opposition. Ce ne serait pas bon pour la démocratie, ni pour les résidents. Je tiens à tirer la sonnette d’alarme. En me sanctionnant, les électeurs se sanctionnent eux-mêmes. Qui va les défendre quand les socialistes et les verts vont proposer de supprimer les places de stationnement dans le quartier ou modifier, sans logique, les sens de circulation dans le Sentier. Si on signe  un chèque en blanc à la gauche, on va se réveiller avec la gueule de bois. Avec trois élus de gauches, les conseils d’arrondissement ne dureront que quelques minutes. Au moins, ça évitera à Boutault et Wievorka de s’engueuler...?

Durant la campagne, vous n’avez cessé de mettre en avant les divisions de la gauche. Apparemment, vous  avez échoué...
C’est toute l’incohérence de cette campagne. Lors des derniers conseils d’arrondissement, Sylvie Wievorka n’avait cessé de dire: ‘vivement, que ça se termine, ça ne peut plus durer comme ça’. Et bien, on en reprend pour six ans. La campagne a été si violente entre Wievorka et Boutault que je ne sais même pas comment ils vont pouvoir travailler à nouveau ensemble. Il faut quand même se souvenir que madame Wievorka a dit en réunion publique que ‘Jacques Boutault a passé sa mandature à faire de la fumette à la mairie”. C’est d’autant plus pathétique et gratuit que Jacques Boutault ne fume même pas de cigarettes.

Vous êtes assez bienveillant avec Jacques Boutault dans vos propos. Quel regard portez-vous sur le maire?
Déjà, Jacques Boutault est un homme ouvert, prompt au dialogue, démocrate comme moi. la discussion est donc possible avec lui alors qu’elle ne l’est pas avec Sylvie Wievorka. Ensuite, je reconnais sa victoire et la légitimité afférente à celle-ci. Et je le félicite. Il sera beaucoup plus fort lors de cette seconde mandature, c’est une certitude. Pendant sept ans, les socialistes ont fait comprendre à Boutault qu’il leur devait son fauteuil de maire, à travers des attaques incessantes en bas de la ceinture. Aujourd’hui, ils peuvent le remercier de les avoir accepter sur sa liste. Reste que son score ne reflète pas la représentativité des Verts dans le 2e. Rassurez-vous, je ne suis pas d’accord avec tout ce que je fais Jacques Boutault. Par exemple, je dénonce ces réseaux d’extrême gauche. Je crains que, sans opposition digne de ce nom, le Droit au Logement (DAL) ait la permission d’installer définitivement son siège, rue de la banque. Ce serait l’assurance de faire de cette rue un nouveau rendez-vous des manifestations parisiennes pour les sans-papiers, les sans-logements.

Comment expliquez-vous la popularité du maire? A-t-il pris des voix sur vos électeurs?
Je ne crois pas. Il ne faut pas oublier qu’il y a toujours une prime au maire sortant. Mais l’explication la plus recevable, c’est la suffisance de Sylvie Wievorka et Pierre Schapira vis à vis de Jacques Boutault et notre liste. Ils nous ont expliqué que cela ne servait à rien de voter et que l’élection serait presque plié au premier tour. Les électeurs de gauche ont fait preuve d’une belle maturité. J’espère qu’ils donneront des idées aux électeurs de droite. Après la vague rose, je crois à un retour d’une vague bleue pour défendre nos valeurs alors que nous sommes attaqués sur nos bases. Un Conseil de Paris trop rose avec quelques pixels de vert ne serait pas bon pour la démocratie. Je reprends à mon compte l’argument de la gauche avant les Législatives et j’appelle à un sursaut des électeurs pour sauver une diversité indispensable dans la représentation politique. Je dis au peuple de droite: réveillez-vous, il est encore de temps...