Antonio Lampreia sort de sa coquille.
Juillet. 2010 \\ Par Jérôme Lamy

En s’installant aux commandes de l’Escargot Montorgueil après avoir connu un vrai succès avec La Bocca, Antonio Lempreia est sorti de sa coquille. Pour donner un peu d’humanité à un monument qu’il faut revisiter d’urgence.

Dans le quartier, tout le monde l’appelle Tonio. Son vrai prénom est Antonio, son nom Lempreia. Dans le quartier, tous croient qu’il est restaurateur depuis toujours. La vérité est qu’il a une formation d’architecte. Dans le quartier, tout le monde connait sa voix, celle de Robert de Niro, dans le Parrain. Mais peu de gens ont osé lui parler alors que la distance qu’il impose d’entrée est surtout une forme de timidité.
Dans le quartier, tout le monde sait qu’il vient de racheter l’Escargot. Mais peu de gens savent qu’en arrivant à Montorgueil il y a une petite quinzaine d’années, Tonio a immédiatement eu un coup de cœur pour cet endroit et que depuis six ans, il avait patiemment économisé pour racheter le mythique restaurant de la rue Montorgueil... Voici le vrai portrait d’un vrai personnage du quartier.
Jeune homme, fraîchement diplômé en architecture, tout juste marié et papa, Tonio remporte un concours d’archi. A cette époque, avec le joli pécule que cela lui rapporte, il emmène sa petite famille pour un tour du monde en bateau. Mais à leur retour, les réalités du monde parisien endurcissent le futur entrepreneur, qui doit nourrir sa jolie troupe de matelots à quai. Il imagine alors pour un ami qui vient de racheter un restaurant-bar à Bastille, tout le concept, architecture et ambiance du lieu.
Très rapidement, il est lui-même grisé par le projet et prend la gérance du Bartok, rue de Charenton. Pendant 3 ans, il fait ses armes dans le monde de la nuit et de la restauration. « J’organisais beaucoup d’événements, c’était très festif, épuisant mais exaltant », raconte Tonio. Cependant, l’arrivée d’un deuxième enfant l’oblige à repenser ses priorités.
C’est alors qu’il débarque rue Montmartre et rachète La Bocca. «A l’époque, il y a une quinzaine d’années, le quartier n’était pas du tout ce qu’il est aujourd’hui. Il y avait déjà le Tambour et Le Café Noir mais la nuit, la rue n’était même pas éclairée », se souvient Tonio. Cela ne décourage pas pour autant le nouveau restaurateur de la rue Montmartre. Il rachète l’étage d’un appartement juste au-dessus du petit bistro pour l’agrandir et fait bientôt des émules. Une poignée d’amis avec qui il travaillait à Bastille vient installer un bar à deux pas de son restaurant. Le Cœur fou est né ! La rue bouge, s’agite, la clientèle change, s’embellit. La Bocca devient l’italien tendance que tout le monde connaît aujourd’hui et qui jamais ne désemplit malgré le temps et la concurrence.

 

Tonio: “Comme Mickael du Lézard café ou Thierry du Café Etienne Marcel,
je sais qu’on doit faire de l’accueil soigné un principe indéfectible”

 

Ce challenge est remporté, il reste donc à Tonio à en trouver un nouveau ! Et il ne part pas bien loin pour le dénicher… à son arrivée à Montorgueil, il tombe amoureux du prestigieux Escargot de la rue Montorgueil. Attaché à son rêve de faire renaître avec panache ce lieu historique, il profite de la réussite de La Bocca pour économiser de quoi racheter l’Escargot.
Pour l’ancien architecte, ce lieu merveilleux sorti de sa coquille en 1832 sur le Mont des Orgueilleux, - il s’appelait alors L’Escargot d'Or, presque encore dans son jus, classé, est un joyau. Ses murs ont vu défiler Guitry, Marcel Proust, Charlie Chaplin, Sarah Bernhardt, Jacky Kennedy, Orson Welles et un salon privé entièrement décoré en noir et blanc est dédié à Yves Saint-Laurent qui y avait ses habitudes. Le livre d’Or de cette maison porte décidément très bien son nom. C’est oublier pourtant que les premières heures de l’Escargot furent beaucoup plus canailles puisqu’il s’agissait à son ouverture d’une maison close.
C’est ce mélange audacieux et classique que le nouveau propriétaire veut valoriser. La décoration est exceptionnelle, l’assiette goûteuse, le sommelier prévenant et l’ambiance est résolument dans l’air du temps. L’Escargot devient à nouveau et comme il l’a si souvent été, le rendez-vous des artistes, des personnalités du moment. Ces derniers temps on y a croisé Matthieu Chedid (M), Marion Cotillard, Guillaume Canet, Maxime Nucci…
Pourtant si Tonio a de grandes ambitions pour son restaurant, il veut qu’il reste une adresse accessible et chaleureuse pour les gens du quartier. Au déjeuner, en terrasse, il propose une formule à 19 euros par exemple. « On souffrait vraiment du fait que la réputation de l’établissement était que ses prix étaient trop élevés» explique Tonio. «L’escargot, c’est un bel endroit, je ne peux pas le brader mais je tiens à  ma clientèle de quartier, celle de la Bocca. Je regrette un peu que certains nouveaux qui s’installent, fassent de l’abattage. Au contraire, les anciens, comme Mickael du Lézard ou Thierry du Café Etienne Marcel, savent, comme moi, que l’on se doit de faire de l’accueil soigné même si nous avons la chance d’avoir le vent en poupe à Montorgueil ».
Si jusqu’ici vous n’aviez jamais trop osé franchir le seuil de cette enseigne au gros escargot doré, n’hésitez plus, désormais vous y serez accueilli par Antonio Lempreia. Et si vous cherchez un bon prétexte ou une belle occasion - c’est selon -, on vous donne un bon plan: le jeudi soir, c’est dégustation de vins. C’est surtout un bonheur en terrasse ou dans les salons, de s'enivrer dans une délicieuse alchimie de beau et de bon.

L’Escargot Montorgueil , 38 Rue Montorgueil
75001 Paris