Sellerie: Ils font de la résistance en médina de Marrakech
Octobre. 2015 \\ Par Imane Charhaddine

LA SELLERIE DE LA FAMILLE CHRAÏBI KAADOUD RESISTE AU TEMPS QUI PASSE DANS LA MEDINA DE MARRAKECH.

Nichée au cœur de la médina de Marrakech, la sellerie de la famille Chraïbi Kaadoud donne rendez-vous aux équidés pour se parer des meilleurs équipements pour monter à cheval. Artisanat pointilleux interpelant plusieurs savoirs et savoir-faire, la sellerie recèle aujourd’hui l’image d’un héritage intergénérationnel qui s’est transmis entre, au moins , quatre générations dans cette illustre famille aux racines fassies-marrakchies.

On découvre la sellerie de la famille Chraïbi Kaadoud après avoir traversé la place Jemaa Elfna, les souks des Semmarines, Jloud et autres commerçants de produits essentiellement dédiés aux artistes. Cette boutique, dont l’ouverture remonte aux âges de l’arrière grand-père, a choisi de conserver ce patrimoine plutôt que de se convertir à un commerce pour touristes.

Ici, le cheval a encore le droit de se profiter des meilleures étoffes, et on en offre. Tous prix, toutes couleurs et tous styles confondus, ici le choix se veut non exhaustif quant aux produits et équipements de selleries : selles de toutes tailles, ceintures, ficelles, pose-pieds et autres sont les offrandes de cette caverne d’Ali Baba aux mille et une couleurs.

Pas spécialement spacieuse, la boutique Chraïbi Kaadoud reconnue comme unique sellerie de la médina (et de la ville) abrite un nombre incalculable d’articles. Elle fait travailler cinq personnes sur place mais le travail exige la participation d’artisans externes (femmes au foyer pour les broderies, artisans de cuir pour le perfectionnement, etc...).

Dirigée, aujourd’hui, par Mohamed Chraïbi Kaadoud, fils et ex -apprenti du domaine, la boutique conserve son authenticité et retrouve vie depuis que sa Majesté le Roi Mohamed VI a redonné du souffle à l’activité équestre au Maroc. «Peu de gens s’intéressaient jusque là à l’équitation à cause du caractère élitiste qu’on lui connaît» dit Mohamed, propriétaire et artisan. «Aujourd’hui, l’activité devient plus accessible aux différentes couches de la population et n’est plus réservée aux hautes classes sociales. Le commerce reprend un nouvel essor, régénéré par un retour vers l’équitation».

Les matières premières ne manquent pas de diversité dans le domaine de la sellerie : cuir de toutes les qualités, bois (servant de supports ou d’interfaces internes), fils de toutes les couleurs (avec un inéluctable penchant pour le jaune doré) ou tissus de velours de toutes les couleurs. «Il s’agit d’une activité artisanale qui fait travailler plusieurs fournisseurs, et fait partie d’une chaîne de valeur non négligeables dans le savoir-faire manuel» précise Mohamed. «Nos clients sont surtout des cavaliers de la Tbourida ou des amateurs férus de l’équitation, en toute liberté. Il faut savoir que certaines personnes s’offrent ces achats sans avoir de cheval, tout simplement à titre décoratif.»

Est-ce à penser que cela convertit l’art de la sellerie à une autre orientation : celle de la décoration d’intérieur au-delà de la dimension usuelle des selles et autres équipements? Conversion, dénaturation ou diversification ? «La sellerie reste avant tout un art dont l’exploitation ne peut être limitée» assure Mohamed. «Aujourd’hui elle connaît de nouvelles inspirations et intègre les nouvelles technologies pour une meilleure production, sans pour autant nier la valeur du travail manuel.»

Un patrimoine national à préserver...