Marrakech et PPDA fêtent le livre
Mars. 2016

Le Festival du Livre de Marrakech, s'est tenu pour la première fois, dans une ambiance bon enfant et festive, au Centre Culturel Dar Attakafa. Occasion rêvée pour redécouvrir un lieu emblématique d’une Ville qui renoue ainsi avec son passé riche de cultures et de savoirs qui ont fait les belles heures de la Cité Ocre et de la Koutoubia, mosquée aux cent libraires et autres métiers du Livre, au temps des Caravanes.

Heureuse initiative ! L’association « le Kitab Bleu », en partenariat avec La Fondation Jardin Majorelle et l’Ambassade de France au Maroc, a investi le Centre Culturel Dar Attakafa pour donner naissance au premier Festival du Livre de Marrakech. Le temps d’une série de rencontres, de tables rondes, de lectures et de spectacles variés, entre auteurs, éditeurs et lecteurs qui ont fait le bonheur de tous les marocains, jeunes et moins jeunes, curieux, ayant soif d’apprendre et d’échanger. Tout cela sous la Présidence d’Honneur de Pierre Bergé, bibliophile avéré, lecteur exigeant et éclectique, mécène à ses heures…

L’écriture et la lecture furent au centre des débats, relayées par les auteur(e)s invités, francophones (mais pas seulement !), romanciers, essayistes de différentes langues et nationalités (libanaise, haïtienne). Avec le parrainage conjoint de Patrick Poivre d’Arvor et de Sapho, en lien avec sa jeunesse marrakchia, les éditeurs et libraires ont répondu présents et se partagent quelques tables/stands sous les arbres, où il fait bon flâner, à la découverte d’écrivains  en chair et en os, sachant valoriser les collections et livres-phares, voire les traductions du français vers l’arabe, en se prêtant au jeu des signatures et dédicaces.

C’est avec une effervescence à peine dissimulée que nous nous sommes acheminés vers ce Salon du Livre qui n’en est pas un. L’objectif n’était pas de vendre à priori -et pourtant les résultats sont là-  mais bien de rendre  hommage au Livre, au plaisir de discourir, d’écouter, de voyager dans l’imaginaire  de l’Autre et de partager des idées.

Le pari fut gagné haut la main et nous ne pouvons que nous réjouir car un jour sans livre est un jour sans amour... Parmi tous les livres présentés, certains connus ou d’autres, mieux encore, inconnus, nous avons retenu la présence  forte d’une écriture contemporaine, émanant pour la plupart de jeunes femmes marocaines toutes plus belles et talentueuses les unes que les autres. La plupart ayant déjà fait entendre leurs voix et déployer leurs récits sous d’autres cieux…Félicitations !

Nous voulons parler de la lumineuse Lamia Berrada-Berca, qui a bien grandi depuis Kant et la petite robe rouge; son livre vient d’être primé à Londres, de Kenza Sefrioui qui a accompli, quant à elle, un magistral retour sur la revue Souffles, symbole des années 70  pour tout le milieu artistique et intellectuel marocain, et de Leila Slimani que l’on ne présente plus depuis que La Mamounia l’a sacrée.  Une adaptation au Cinéma du Ventre de l’Ogre est d’ailleurs attendue...

Notre coup de cœur s’adresse à Maï-Do Hamisultane, aux nom et prénom dignes d’un roman…Après La Blanche, c’est avec Santo Sospir, « petit » livre au format carré, paru aux Editions La Cheminante, que l’auteur à l’écriture, nerveuse, poétique et savante, nous emporte. Jetez- vous sur ses livres, dévorez les, à la manière de Gérard Philipe sur une scène de théâtre !  Fiévreux et concentré à la fois, jubilatoire en tous les cas.

Mention spéciale à Sapho, musicienne, chanteuse, poétesse et écrivain…Depuis, Ils préféraient la lune aux Editions Balland, elle en a parcouru des chemins, donné des concerts, et écrit des vers…Jusqu’à La chambre turque aujourd’hui, parue aux Editions du Castor Astral et rédigée au sein de La Villa Médicis !

Dans ce roman où deux époques, deux histoires, deux regards, se répondent, Sapho revient en terre marocaine, à Essaouira, en 1922. Car tels sont les artistes : ils ont le don d’ubiquité… Et Sapho ne déroge pas à la règle. Elle l’incarne magistralement grâce à cette intrigue amoureuse sur fonds de fragile réalité!

Ces amazones des Lettres, passionnées et passionnantes, ont captivé leur public, sous l’œil bienveillant de Vénus Khoury-Ghata, romancière et poète et de Yanick Lahens, femme de tête et de cœur, femme d’action, puisqu’elle a créé en Haïti,  l’Association des Ecrivains Haïtiens .

Ce tour d’horizon serait incomplet sans mentionner un libraire d’exception, Simon-Pierre Hamelin, responsable de la Librairie des Colonnes à Tanger, auteur chez La Découverte, et éditeur de la Revue Littéraire Nejma, et instigateur de la traduction en arabe de Lettres à Yves par Pierre Bergé.

Il serait également dommage d’oublier Abdelrhaffar Souiriji, un éditeur marrakchi arabophone et francophone,  qui semble avoir adopté l’adage « Pour vivre heureux, vivons cachés ! » Cela ne l’empêche nullement d’avoir publié et traduit Jean Genet au Maroc, grâce à sa maison d’édition Les Infréquentables. Il présente actuellement Fort comme un turc de Juan Goytisolo et prépare une traduction en arabe du livre de Patrick Lowie, éditeur belge d’origine, artiste multimédia et marocain de cœur, La légende des amandiers en fleur.

Saluons également l’énergie et les choix littéraires de Karine Joseph, Editions du Sirocco à Casablanca ! Et tous les autres, qui ont largement contribué à animer et ensoleiller ces journées : Siham Boulhal, poète et médiéviste, à l’écriture sensuelle, régulièrement publiée aux Editions Al Manar et qui vient de sortir son premier … roman au titre évocateur, Et ton absence se fera chair...

La participation de Touria Ikbal s’impose comme une évidence ! De par ses qualités de poète certes, mais également de professeur et de chercheur en Soufisme. Elle est, à ce jour, l’auteure de plus d’une vingtaine de publications, recueils de poèmes, traductions et études sur le soufisme.

Toujours souriante, talentueuse et citoyenne, la voilà au Parlement, Présidente de la Commission Culture, Communication et Enseignement. Respect Madame La Députée…

Avec sa discrétion et sa légèreté habituelles, Mohammed Bennis est venu ponctuer ces deux journées placées sous le signe de la Poésie, du Théâtre, du Conte, et de la Littérature. Bernard Noël écrit à son propos «qu’il ne doit qu’à la recherche patiente de sa propre justesse d’être devenu exemplaire au milieu de la langue arabe… » Au même titre qu’un Adonis ou d’ un Darwich !

C’est par une table-ronde, qui réunissait Aziz Binebine « Tamazmart », Jalil Bennani « Un psy dans la Cité », et Hassan Fnine, médiateur à l’occasion et Directeur de GEC - Grande Ecole de Commerce-  que s’est achevé ce premier Festival du Livre.  C’est le moment aussi de louer l’énergie et le talent des étudiantes de GEC - Grande Ecole de Commerce qui ont apporté leur pierre à l’édifice en terme d’organisation et de communication.

A l’aune de son succés, on peut d’ores et déjà annoncer que l’expérience sera reconduite la saison prochaine, toujours sous les bons auspices d’Hassan Benmansour, directeur de Dar Attakafa. Longue vie !