Danielle Zemmour, la coiffeuse qui décoiffe
Juillet. 2008 \\ Par Jérôme Lamy

Coiffeuse de métier, Danielle Zemmour s’est installée rue Coq-héron, il y a 25 ans. Nostalgique, la coiffeuse qui décoiffe regrette qu’aujourd’hui, la norme aille à la voix baissée, elle, qui par sa peinture, ses dessins, sa musique, ses poèmes et sa coiffure, ne cesse jamais de s’exprimer.

Au chaland non-initié, qui passerait, pressé, et entrerait chez Danielle avec la seule intention de se faire couper les cheveux, ne doutez pas d’être déçu ! Tout d’abord, parce qu’il ne s’agit pas dans ce salon des merveilles de coiffure, mais plutôt de visagisme, de stylisme, de relooking… et même ces mots sont barbares concernant Danielle. C’est de son regard, empreint de poésie, de bienveillance et d’attention qu’il s’agit. Lorsqu’une cliente ouvre la porte chez Danielle, le miroir prend toute son importance. Comment Danielle vous voit, comme elle vous ressent face à votre image et vous aide doucement à sortir de l’ordinaire. Le regard et la relation l’intéressent avant tout. Il n’est pas uniquement question de forme, de carrés ou de franges, de couleurs ou de brushings, c’est de la femme qui entre dont il est question.

L’univers de Danielle est décalé, délirant et lyrique, amusé et poétique. Coiffeuse de métier, elle s’est installée rue Coq-héron, il y a 25 ans. A l’époque se souvient-elle, il y avait encore de gouailleurs restaurateurs, multiples artisans et bouchers, tout ce petit monde, dans un ballet tourbillonnant, parlant fort, sans retenue, s’exprimant.

Or Danielle regrette qu’aujourd’hui la norme aille à la voix baissée, elle, qui par sa peinture, ses dessins, sa musique, ses poèmes et sa coiffure, ne cesse jamais de s’exprimer. Lorsque vous entrez dans son « lieu de vie » comme elle le nomme, il y a bien sûr les fauteuils de la coiffeuse, ses ciseaux, ses rouleaux. Tout ce qu’il faut pour vous faire le plus beau… mais trônent en belle place, dès l’entrée, son tréteau, ses pinceaux et ses tableaux !

La coiffure est son métier depuis toujours, la peinture est une passion dont elle ne peut se passer. Vous vous en doutez, sa touche est expressionniste, tel un feu d’artifice créant matière, relief et couleurs, parfois presque dérangeante et torturée, allant chercher le caractère au-delà des apparences, au-delà du miroir. Evidemment tout interagit. Et ses inspirations picturales lui donnent de l’élan dans ses créations de coiffure. Récemment elle a créé les perruques pour un Antigone de Sophocle qui se joue à Avignon cet été.

Son salon, si on peut l’appeler ainsi, accueille outre ses propres peintures, les créations de ses amis artistes, qu’elle expose et renouvelle environ tous les deux mois. C’est d’ailleurs à l’un des derniers vernissages organisé dans ses murs que Danielle a fait une rencontre décisive avec Bikanda, qui pourrait bien révolutionner encore sa vie d’artiste. Ne se contentant pas de peinture et de coiffure, il se pourrait bien que la Coq Héronne, ainsi qu’elle s’est auto-baptisée, se lance dans la chanson avec l’ambition annoncée de plaire aux jeunes ! Bikanda vient de lui écrire un album, encore un peu top-secret, marqué par la nostalgie de Danielle pour son Algérie natale, ses souvenirs émus de la casbah, de tous ces gens qui se parlaient entre eux, cette convivialité, ce souci d’être en relation qui lui tient tant à cœur.

Ambiance funky-orientale pour ce futur album sur lequel Danielle pose sa voix, une voix que ses clients connaissent bien, puisqu’elle ne peut s’empêcher, depuis toujours, de chanter sur leur tête. Des clients d’ailleurs, elle en a vu défiler… et de nombreux artistes, surtout des comédiens, ont confié leurs cheveux à Danielle. Nougaro était son grand ami, son complice, Christophe Willem qui a longtemps habité rue Coquillière lui rend souvent visite, Juliette Binoche, Langlade sont venus…

On n’ose cependant pas demander à la coquette Danielle son âge. D’ailleurs le mot « retraite » la fait sourire. Il n’a aucun sens pour elle, son salon est avant tout un atelier, ici elle est chez elle, c’est une artiste. Tout vivra ici dans une continuité de création sans souci de compter aucun semestre puisque rien n’est prêt de s’arrêter.

Et des créations, il y en a eu ! Le salon parfois transformé en studio photo a souvent servi à son fils, qui s’est fait l’œil, avec le soutien de sa maman et de ses clientes, pour devenir photographe. Danielle se souvient amusée, de leurs séances déjantées : « On inventait des thèmes et on laissait l’inspiration venir, cela allait de ‘je suis blonde et alors ?’ à ‘Sors avec moi ce soir’. On se tapait le style avec les habits et on délirait ».
On imagine sans peine les douces folies que devaient être ces épisodes photographiés mais surtout on ne doute pas que Danielle, désormais grand-mère d’un petit Andrea, ne reproduise pas le même joyeux manège pour son petit-fils.

Eternelle inspirée et inspirante, tantôt muse, tantôt amusée, Danielle et son œil piqué de poésie ne peut que rassurer les cheveux les plus récalcitrants à toute forme de changement pour entrer, enfin, dans son extraordinaire.

Danielle Zemmour
1 rue Coq-héron – Paris 1er
01 42 36 08 70