Arts équestres de Marrakech : une voltige sous les feux de la rampe
Octobre. 2015 \\ Par Imane Charhaddine

REINSERTION SOCIALE, DEVELOPPEMENT ARTISTIQUE, PROMOTION DE L'UTILISATION DU CHEVAL BARBE, L'ECOLE DES ARTS EQUESTRES DE MARRAKECH COMPILE LES AVANTAGES. RIEN D'ETONNANT QU'ELLE DEVIENNE LA FIGURE DE PROUE DU POLE EQUESTRE, APPELE A VOIR LE JOUR DANS LE NOUVEL HIPPODROME DE MARRAKECH.

Panama aux couleurs de la SOREC vissé sur la tête, cravate rose à pois bordeaux, pantalon foncé, le docteur Mohamed Chakdi en impose. Ses épaules sont aussi larges que son sourire. Sa poignée de main est franche et assurée. Le directeur du Haras National de Marrakech n’est pas stressé par le concours inter-régional des chevaux arabe-barbe qui se déroule, dans d’excellentes conditions, au haras de la ville Rouge. Pas davantage par la répétition du spectacle des arts équestres de Marrakech programmée en clôture du concours, afin de peaufiner les derniers détails avant le salon du Cheval.

Reconnu comme l’un des cinq prodigieux haras nationaux du Royaume, le Haras National de Marrakech rayonne aujourd’hui sous une étoile particulière : celle d’une mise en place d’une infrastructure académique pour les arts équestres. Projet des plus ambitieux, l’école du spectacle équestre du Haras National de la ville rouge est aujourd’hui une niche qui interpelle plus d’un intervenant. Normal qu’on lui offre tous les moyens nécessaires pour faire proliférer son excellence. Entre la Société Royale d’Encouragement du Cheval (SOREC), l’Association Marocaine d’Aide aux Enfants en Situation Précaire (AMESIP) et les intervenants sportifs, artistiques et éducatifs de premier plan, l’école dédiée aux Arts Equestres joue un double rôle artistique et social qui force l’admiration.

C’est sous l’égide du Docteur Mohamed Chakdi que le Haras National de Marrakech poursuit son essor. Les efforts du directeur et son implication ont valu à ce haras la création et le développement d’un projet d’envergure nationale et internationale, en faveur de l’activité équestre.

Si l’on parle du cheval en tant que symbole emblématique de l’identité arabe à travers les mythes, les croisades et même les activités commerciales et marchandes, un gros plan particulier s’impose : celui que l’on ajuste sur le cheval barbe.«Le cheval barbe est un patrimoine unique qu’il convient de mettre en valeur» dit le Docteur Chakdi, vétérinaire. «Membre fondateur de l’Organisation Mondiale du Cheval Barbe (OMCB), dont Omar Skalli assure actuellement la Présidence, le Maroc lance une grande stratégie nationale dédiée à son développement et à sa valorisation. Le projet de l’école des arts équestres est d’en faire une vitrine de l’utilisation du cheval barbe afin de créer une dynamique sociale et économique tout en valorisant l’ancrage identitaire.»

L’école des Arts Equestres a pour ambition de créer une dynamique socio-économique autour du cheval barbe, en initiant le jeune public, en contribuant à la réinsertion de jeunes en situation difficile, d’où la précieuse collaboration avec l’AMESIP. «On ouvre aussi nos portes aux jeunes qui ne sont pas en difficulté» précise Khalil Réda, responsable de l’école et fondateur de l’école des Arts Équestres des Frères Réda, à Namur, en Belgique, en 1992, avec son frère Chkinbo. «L’idée d’un mélange des jeunes d’horizons différents autour du cheval est une belle idée. L’objectif, c’est de créer un vrai centre de formation marocain des arts équestres reconnus à l’étranger.»

Celui qui se félicite de son retour au Maroc pour semblable projet ne manque pas d’ambitions: «on peut devenir une référence pour Bartabas, Cavalia et Apassionata, les trois grandes troupes mondiales de spectacles équestres.» Et le docteur Chakdi de préciser : «Plusieurs jeunes ont déjà réussi leur réinsertion sociale en trouvant du travail ici ou même à l’étranger» se félicite-il. «A ce moment-là, notre mission est remplie. L’école leur a donné des atouts, de la visibilité mais surtout la confiance en un nouveau démarrage. Il faut savoir que nous travaillons l’esprit autant que le corps puisque nous dispensons des cours de langues étrangères et des cours d’expression scénique comme au théâtre.»

Ce n’est pas Chakir Sahar qui dira le contraire. Acrobate ambulant de la célèbre Place Jemaa Elfna, élève des arts équestres de Marrakech, il est aujourd’hui une des figures de proue de la grande troupe Cavalia, basée à san Francisco, aux Etats-Unis et à Winnipeg, au Canada. «Son exemple est une récompense et un moteur pour aller plus loin» confie le Docteur Chakdi. «Il faut savoir que pour lancer l’école, nous sommes allés recruter Place Jemaa Elfna où les qualités des acrobates sont reconnues dans le monde entier. Souvent, on me demande pourquoi l’école des arts équestres est basée à Marrakech, non pas ailleurs dans le Royaume. Voilà la réponse !»

Et si l’acrobatie est la signature de l’école, elle a pour ambition de servir de vitrine qui permettra à la fois une avancée pour le rayonnement international du Royaume en matière de spectacle équestre, et une mise en valeur du cheval barbe et de l’arabe barbe, races locales constituant une fierté identitaire. Les apprentis de l’école sont recrutés suite à une présélection de l’AMESIP, une fois recrutés ils sont sous l’orientation pédagogique d’une équipe aux compétences reconnues : Khalil, Eric, Gilles et Ali.

Ces mentors permettent aux jeunes apprentis de maîtriser à la fois le dressage, la voltige et la liberté, à travers des stages et des activités régulièrement amorcés, à la fin desquels chaque apprenti choisit son orientation et en fait une spécialité.

La double dimension artistique et sociale donne à l’Ecole une envergure mais aussi une adhésion externe de différentes parties prenantes. La réinsertion sociale ne devient plus une finalité en soi, mais un moyen de redonner espoir à une tranche sociale de la population ne croyant plus aux horizons d’un quelconque avenir.

Formée actuellement de six membres et quatre aspirants, la troupe de l’Ecole des Arts Equestres du Haras National de Marrakech sera présente au Salon du Cheval 2015. Un spectacle dont les préparations remontent à plus d’un an réjouira donc le public sur place, mettant en avant l’apprentissage et les performances artistiques de chaque membre de la troupe.

On découvrira un spectacle dont le réalisateur est Gilles Audejean, le costumier Laurent Lamoureux et dont l’encadrement général est assuré par le professionnel Khalil Réda. Et comme la sécurité et la régularité des enchainements sont des indéfectibles priorités, le réalisateur Gilles Audejean a imaginé un spectacle à numéro introductif, dont les modalités sont à caractère évolutif alternant à la fois voltige classique et cosaque.

Une double piste a été prévue en guise d’équipements de logistique (13 mètres sur 22 mètres) permettant d’exalter le public avec une chorégraphie où musiques, figures, évasions et splendeurs patrimoniales se conjugueront en toute authenticité.

«C’est avant tout un numéro évolutif, aux perspectives intéressantes, qui pourra servir de base pour de nouveaux spectacles» confie Gilles Audejean, directeur artistique, respecté en France.

L’inauguration du nouvel hippodrome de Marrakech ne manquera pas de jouer le rôle d’un miroir grossissant et d’un incubateur. «Dans ce même lieu unique, on va réunir un pôle équestre qui sera la vitrine de toute la filière» précise le docteur Chakdi, avec impatience et gourmandise. «On retrouvera non seulement l’école des arts équestres, mais aussi une école de poneys, un club de tourisme équestre, une académie de Tbourida et un centre de trek».

Histoire de donner naissance aux carrefours du cheval que le directeur général de la SOREC, Omar Skalli, appelait de ses vœux dans notre dernière édition (clin d’œil #40) où des foires de chevaux permettant de valoriser les produits du terroir et le travail des artisans auraient toute leur place.

Vivement la suite...