Mamoun Salaje: Brel est un second père
Août. 2016 \\ Par Hervé Meillon

Mamoun Salaje, neveu de Tayeb Saddiki, chante brel partout dans le royaume avec un talent évident. il s'échine à forger son immortalité, au maroc.

Il est monté sur les épaules de Raymond Devos et Guy Bedos. Il a joué sur les genoux d’Edith Piaf et Chales Aznavour.  Mamoun Salaje a passé son enfance dans les sommets culturels français. Normal qu’il ait du souffle ! Rien d’étonnant également car son oncle Tayeb Saddiki - frère de sa mère Hania, artiste peintre de talent - dirigeait à l’époque le Théâtre Municipal de Casablanca.

Ce n’est que plus tard qu’il a perfectionné le chant au conservatoire de musique de Casablanca. Après le solfège, il a choisi l’apprentissage de la guitare. «Pour chanter Brel, il faut absolument savoir gratter une guitare» dit-il. Avant ses cours au conservatoire, Mamoun avait opté pour des études de tourisme. Il a commencé sa vie d’artiste trois mois après la mort du Grand Jacques en 1978, que ce soit en concert formel ou dans des bars et restaurants.

Mamoun est père de trois enfants. Avec un dynamisme à la chaleur humaine communicative,  l’œil malicieux à la voix assurée, cet enfant de Casablanca fait revivre à sa façon le culte de Brel qui reste encore immense malgré les années. Pour Mamoun Salaje, chanter Brel est nécessaire à son équilibre. Porter la poésie en chanson est un défi au temps qui passe trop vite.

 

 

Clin d’œil.- Brel aurait-il eu du succès au Maroc sans les Français ? Ne l’ont-ils pas « adopté » en l’imposant au Maroc ?

Mamoun Salaje.- Je ne pense pas que ce soit une histoire d’adoption. Quand on donne une langue à quelqu’un, on lui offre une fenêtre sur une culture, un monde, des poètes et de ce point de vue-là, la France nous a permis de découvrir Brel, Brassens, Ferré, Ferrat, etc... Brel, en plus, s’est imposé tout seul. Il n y a jamais eu d’action commerciale autour de son œuvre.

 

Brel représente-t-il encore quelque chose pour les jeunes marocains ?

Pour les lettrés oui, il représente pour eux un vieux chanteur qui disait les choses telles qu’elles étaient et qui ne parlait pas que d’amour.

                                                                      

Quels chanteurs dans la chanson arabe pourraient se rapprocher le plus des chansons de Brel ?

Je citerais Maghribi, Mekkaoui ou Khalifa. La religion musulmane est-elle compatible avec ce que Brel dégageait comme image de moralité d’homme ou comme chanteur ? Hormis 3 ou 4 chansons blasphématoires au goût des musulmans, le reste est tout à fait compatible avec la morale des peuples intelligents.

 

Quelles sont les personnalités marocaines qui aiment passionnément  Brel ? 

Tayeb Saddiki, Driss Moussaoui, Mohamed Benkirane, Hassan Bernoussi, Hassan Abou Ayoub, Moad Jamai, Omar Salim, Ali Hassan… mais aussi beaucoup  d’artistes, de journalistes,  d’intellectuels.

A quel âge avez-vous eu foi en Brel ?

Lorsque j’avais 13 ans, un ami m’a fourni une des cassettes de Brel, et j’ai commencé sans plus tarder à interpréter quelques-unes de ses chansons. Ensuite, ma famille, voyant ma passion m’a offert beaucoup d’ouvrages sur Brel. Mon oncle n’est autre que Tayeb Saddiki. Alors inutile de vous dire qu’il fallait être à la hauteur.  J’ai eu comme vous dites : foi en Brel  à 15 ans. J’ai même rédigé mon mémoire de fin d’études sur la vie de Jacques Brel. On peut dire que Brel est un second père pour moi.

 

Quel est votre souvenir le plus fort en chantant Brel?

En 2008, la wilaya de Casablanca et le consulat de Belgique étaient derrière moi pour une grande représentation en hommage au 30e anniversaire de la disparition de Brel. La salle était comble et parmi le public, pas moins de 15 ambassadeurs et consuls, des ministres et la presse, sans oublier évidemment les amoureux du Grand Jacques.

 

Brel est-il devenu votre fonds de commerce ?

Non, je ne gagne pas beaucoup d’argent en le jouant. Il m’arrive même souvent de casquer pour payer mes musiciens afin de commémorer les 9 octobre.

 

Y’ a-t-il des chansons que vous refusez de chanter?

Le dernier repas et Fernand, par peur de choquer.

 

A quelles chansons les gens réagissent-ils lors de vos concerts ?

Amsterdam, Madeleine, La valse à 1000 temps, Au suivant...

 

Pourquoi ne pas avoir traduit le répertoire de Brel en Arabe ?

Je le fais un peu dans la chanson Quand on n’a que l’amour ! Le reste est à venir. Mais, c’est si dur de traduire Brel... dans le contexte et pas dans le texte. Quand on l’aime autant que moi, on a peur de le trahir.

 

Quels sont vos projets dans la chanson?

J’écris la vie de Brel en arabe sous forme d’une comédie musicale. J’espère qu’elle rencontrera le succès qu’elle mérite.

 

Avez-vous encore beaucoup de demandes pour chanter Brel ?

Pas beaucoup ! Mais les rares gens qui m’appellent sont très cultivés et fort raffinés en général.

 

De quelles couleurs étaient les yeux de Brel ?

Je ne veux pas regarder de photos et tricher mais je ne m’en souviens plus, bleus je suppose.

                                                                                                                                              

Voit-on toujours rejaillir le feu des anciens volcans ?

Avec les 35 épices, oui !